Archive for the ‘economie’ Category

services en ligne: prix, coûts et valeur perçue

dimanche, septembre 11th, 2005

Tous les ans, quand il s’agit de renouveler mes noms de domaines et hébergements en ligne, je me fais les mêmes réflexions : pourquoi est-ce que je paie? Et surtout, pourquoi est-ce que je paie ces montants?

Les noms de domaine étant purement dématérialisés, et les coûts techniques limités (environ $0,30 en 1999), comment expliquer qu’on paie entre 6 et 14 euros par an? Laurent Chemla, un des fondateurs de Gandi, attaquait de façon encore plus directe dans son texte « Confessions d’un voleur » :

« Je suis un voleur. Je vends des noms de domaine. Je gagne beaucoup d’argent en vendant à un public qui n’y comprend rien une simple manipulation informatique qui consiste à ajouter une ligne dans une base de données. Et je vais gagner bien davantage encore quand, la pénurie artificielle ayant atteint son but, le commerce mondial décidera d’ouvrir quelques nouveaux TLD qui attireront tous ceux qui ont raté le virage du.com et qui ne voudront pas rater le virage suivant. »

Cependant, dans son analyse, il ne se place que du côté de la valeur technique des noms de domaine et des coûts associés. On peut au passage voir un parallèle avec le paradoxe de l’eau et du diamant :

Au sujet de la distinction entre valeur d’échange et valeur d’usage, [Adam] Smith constate : « Il n’y a rien de plus utile que l’eau, mais elle ne peut presque rien acheter; à peine y a-t-il moyen de rien avoir en échange. Un diamant, au contraire, n’a presque aucune valeur quant à l’usage, mais on trouvera fréquemment à l’échanger contre une très grande quantité d’autres marchandises. »

La réponse tient à l’abondance relative de l’eau par rapport au diamant, et à la difficulté d’extraction du diamant bien plus grande que celle de l’eau : un désir d’eau pourra être satisfait avec peu d’argent, un désir de diamant coûtera très cher.

Le prix de vente d’un objet dépend du désir de son acheteur et de la difficulté qu’il a à se le procurer. Peu importe le travail qu’il a fallu au vendeur d’un produit ou service pour le fabriquer ou l’acheter.

Les utilisateurs des noms de domaines voient donc essentiellement le côté utile : un nom de domaine leur donne de la visibilité en ligne, leur permet de créer un site web et de lui donner une adresse, etc. Ils jugent la valeur d’utilité que leur apporte ce service, et sont donc prêts à payer une somme en conséquence, même si cette somme dépasse de beaucoup les coûts.

services en ligne et marges générées

On se retrouve dans une situation où les marges peuvent être particulièrement importantes, notamment dans les noms de domaine, mais aussi dans un grand nombre de services en ligne, produits essentiellement dématérialisés. On peut donc légitimement penser qu’il s’agit là d’un vivier de bonnes opportunités!

Bien entendu, il est évident que la situation n’est pas aussi simple, surtout après l’explosion de la bulle: les entreprises ont bien compris qu’il ne suffit pas de développer un service un minimum utile, puis de facturer aux consommateurs… Le marché évolue, et tant qu’il y a de fortes opportunités, il y a de nouveaux acteurs qui entrent sur ce marché. De plus, les acteurs, nouveaux comme anciens, ne se contentent pas de dupliquer ce qui existe déjà, mais proposent des produits ou services toujours plus évolués.

Illustration avec les FAI en France: Jusqu’à l’ouverture de l’ADSL à la concurrence (2002), on avait un marché de l’accès à internet relativement structuré, avec des marges élevées, même si les entreprises n’étaient pas forcément rentables. Or, un des acteurs (Free) a pu déstabiliser le marché en décidant de baisser ses prix au plus près de ses coûts, diminuant ainsi sa marge, mais cela lui a permis de conquérir des abonnés en masse. En parallèle, il a également développer la valeur de ses produits, en innovant à coup de freebox, d’hébergement de pages persos plus large et plus complet, de VoIP, etc.

Cette double évolution -baisse des prix et amélioration technologique- a obligé tous les acteurs du marché à se remettre en question : soit en innovant et en offrant des services avec une valeur perçue plus élevée : VoIP, stockage en ligne, TV par ADSL, etc. (Neuf a été un des plus réactifs et le seul qui semble actuellement capable de rivaliser avec la surenchère technologique de Free), soit en baissant les prix pour s’aligner (la grande majorité des autres acteurs).

Dans les noms de domaine, on a également traversé ces différentes phases : Gandi était le moins cher, à l’époque où il y avait peu d’acteurs, surtout français, et où le marché mondial était encore fortement contrôlé par le couple Verisign / Networks Solutions; aujourd’hui, des concurrents comme OVH ou 1and1 ont à leur tour grandement bousculé le marché en baissant leurs prix et en augmentant les services offerts; résultat : Gandi est maintenant à son tour dépositionné.

Certes, les blocages au sein de l’équipe dirigeante historique peuvent expliquer en grande partie cette non-évolution de l’offre. Le rachat de Gandi par Stephan Ramoin et son équipe débouchera-t-il sur une baisse des prix, une évolution de l’offre de services, ou bien les deux?

Quoi qu’il en soit, je continue de payer pour le renouvellement de mes nom de domaines, et je suis toujours chez Gandi, car le service qui m’est rendu me satisfait pleinement, et je trouve que son utilité vaut largement les 14,35 € TTC / an! 🙂

Biometrie – science (fiction)

jeudi, juillet 8th, 2004

Sagem vient d’être retenu à l’issue d’un appel d’offres lancé par le service des douanes australiennes pour être son partenaire stratégique dans le développement de SmartGate, un nouveau système automatique de contrôle des frontières.
Fondé sur la technologie biométrique de reconnaissance faciale (une licence de Cognitec Systems), le système pilote SmartGate sera appliqué dans plusieurs aéroports australiens et procédera au contrôle des voyageurs par la comparaison de leur analyse faciale avec les données biométriques stockées dans leur passeport.
En matière de biométrie, l’analyse faciale a été reconnue par l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale), qui l’instituait en 2003 comme biométrie principale pour le contrôle des frontières.
(source: Atelier groupe BNP Paribas)

L’analyse faciale, retenue comme moyen de contrôle biométrique principale par l’organisme internaional en charge de l’aviation civile. En complément d’autres méthodes, bien entendu. Quand la NFL avait testé un système de reconnaissance faciale dans les stades pendant certains matchs de football américain, on avait entendu un grand nombre de personnes s’offusquer de ces méthodes, etc. De même quand les USA ont commencé à ficher tout le monde à l’entrée dans leur pays (encore maintenant).

Maintenant, contre qui élever la voix? Et pour quoi? Après tout, personne ne va s’arrêter de voyager parce que les empreintes biométriques sont prises et vérifiées; même si ça m’a déjà traversé l’esprit de repousser un voyage aux USA à cause de ça… Avant de me rendre compte ç quel point c’était idiot. On ne s’arrête pas de voyager.

Le problème n’est pas la mesure de contrôle en tant que telle, mais le fait que ces empreintes soient archivées dans une base de données informatisée. Les bases de données informatisées, c’est bien, ça fait gagner du temps, et de l’argent, mais ça a quand même deux inconvénients majeurs:
-> ça se pirate
-> ça permet de faire des recoupements entre des fichiers (très) différents; exemple: croiser ce genre d’informations avec un fichier bancaire et un fichier d’assurance maladie.

Certes, les croisements de fichiers sont interdits (en France en tout cas), mais étant légèrement paranoïaque, àa me gène qu’on puisse ajouter des données très personnelles comme mes empreintes à des fichiers contenant déjà beaucoup d’informations personnelles. Et surtout, ça me gène qu’un petit plaisantin puisse obtenir ces informations et les détourne; après le vol de numéro de CB, le vol d’empreinte biométrique et le vol d’identité..?

Je fais de la science-fiction? De la science (fiction)? Ou tout simplement un peu de prospective sur la base d’innovations techniques récentes? Quoi qu’il en soit, ça n’est pas si évident que ça d’arriver à prouver son identité suite à un détournement d’informations; c’est faisable, mais bonjour le parcours du combattant administratif!

RFID Strikes Back!

jeudi, mai 6th, 2004

Ca faisait un petit moment que je n’avais rien lu/entendu sur les marqueurs RFID. Et aujourd’hui, un petit article dans le Journal Du Net, qui nous apprend que:
– Wal-Mart, géant de la distribution aux USA(*), se fixe un objectif ambitieux: “d’ici le premier janvier 2005, les cent plus importants partenaires commerciaux de la chaîne de magasins devront fournir des produits équipés de marqueurs RFID“,
– malgré tout, les marqueurs RFID ne sont pas si simples que ça à déployer: “Pour le moment, les résultats sont mitigés et le planning incertain.
A lire!

Petit rappel, pour plus d’explications sur les étiquettes RFID (Radio Frequency IDentification):
Dans un soucis de suivi constant des produits dans les circuits de distribution, les industriels et les spécialistes en gestion de production ont successivement mis en place de nouvelles solutions. Cela permet bien évidemment de gagner du temps et de l’argent. Après les kanbans, près différents systèmes d’échanges de données informatisées clients/fournisseurs, voici venir les étiquettes intelligentes!
Le principe? Permettre une identification des produits (ou des lots de produits parce que c’est encore cher ces petites bêtes là) dans la chaîne de distribution, pour améliorer les processus d’approvisionnements, suivre les produits dans les magasins. Accessoirement, cela doit également permettre de limiter le vol (parmi les premières entreprises impliquées: Gillette; les lames pour rasoirs étant le produit le plus volé dans les super/hypermarchés).
Ca a l’air très prometteur à première vue, sauf qu’on ne sait pas exactement quelle est la portée ou la durée de vie de tels dispositifs. Bien entendu, les industriels assurent que les étiquettes seront désactivées lors du passage en caisse, voire qu’elles ne seront dans un premier temps que sur les caisses et palettes, et pas sur les emballages individuels; quoi que j’en doute, notamment pour les lames de rasoir.
Quoi qu’il en soit, il reste encore un peu de temps avant de voir débarquer ces “étiquettes intelligentes” en masse, tous les problèmes étant loin d’être réglés: conflit avec certains matériaux comme l’aluminium, qui gène les ondes radio; prix des étiquettes, encore proche d’un euro l’”étiquette”; nécessité d’équiper les producteurs, distributeurs et magasins en lecteurs adéquats.

Plus d’informations:
-> dans l’excellent dossier de (feu) transfert.net: Les étiquettes intelligentes
(dossier naturellement plutôt pessimiste)
-> dans un dossier du Journal Du Net consacréà la gestion de la chaîne logistique
(dossier naturellement plutôt optimiste)

* géant qui distribue des cartouches d’armes à feu (et des armes) en vente libre mais qui a retiré certains jeux vidéo de ses rayons car jugés trop violents…

Crise du disque (?)

jeudi, avril 29th, 2004

Première note, et je parle déjà de l’industrie du disque. Oui, de l’industrie du disque, et pas de l’industrie de la musique, cette dernière se portant clairement mieux que la première. Enfin, à ce qu’il paraît.

Le disque va mal. C’est écrit partout, on le répète à la TV, à la radio. On paie même une taxe, notamment sur les CD vierges, pour compenser les effets du piratage. Si si, tous les gens qui achètent des CD vierges copient de la musique! Ils en téléchargent tellement, qu’une étude récente de la Harvard Business School (une petite fac de 3e zone…) annonce, en anglais dans le texte: « Downloads have an effect on sales which is statistically indistinguishable from zero, despite rather precise estimates. » Ah, tiens, c’est curieux, non?
Et en Français, ça donne, pour Libération, « [les majors] expliquent que, si elles vendent moins, c’est la faute de la piraterie numérique alors qu’une étude de la Harvard Business School affirme que le « téléchargement a un impact sur les ventes statistiquement indiscernable de zéro ». Les pirates ont sans doute leur responsabilité, mais il est un peu gros de les accuser de menacer à eux seuls la « création ». »

Pour revenir à l’industrie de la musique, elle va bien, merci pour elle. Toujours selon Libération:
« […]boom de 40 % des sonneries pour téléphone portable. Or, l’appétit des consommateurs pour le téléchargement d’extraits musicaux qui personnalisent leur mobile a généré 3,5 milliards de dollars de revenus en 2003, soit plus de 10 % du marché global de la musique enregistrée. L’IFPI ne s’attarde pas non plus sur le cas de la Finlande, où le marché a grimpé de 5 % en volume en 2003.  »

Et dans un numéro d’Epok de ce début d’année, un des directeurs de la FNAC nous annonçait que l’année 2003 était une des 3 meilleures années pour l’industrie du disque française, très au-dessus des années 1990; période à laquelle, pourtant, le haut-débit et les systèmes d’échange de musique n’étaient pas légions…

C’en est presque risible, mais d’ici à ce que le lobby du disque réussisse à faire passer une nouvelle mesure répressive, comme une taxe sur les abonnements au Net, il n’y a qu’un pas… cf. les derniers points en discussion lors des passages à l’assemblée et au sénat de la LCEN.

Et pendant ce temps là, BMG et Sony Music vont fusionner. 4 entreprises pour plus de 75% du marché mondial. Et les labels dits “indépendants”, même s’il voient leur part légèrement augmenter, restent très fragiles et très nombreux, donc sans réel poids.
En économie, on m’a souvent dit que les marchés avaient naturellement tendance à se concentrer et que les situations oligopolistiques (voire monopolistiques) étaient quasiment inévitables sans intervention des organismes de régulation afin de limiter les barrières à l’entrer et de préserver la concurrence… Le pire, c’est qu’on le sait, mais on n’arrive rien à faire contre…
Je vous offre un p’tit Star Ac’ 4 pour la route?

Note pour plus tard: plutôt que de se remettre en cause et d’essayer de faire évoluer son modèle économique, toujours penser au pouvoir de la communication et du lobbying; ça marche plutôt bien à court terme, et après… Take the money and run!