Dans son post « Is Web 2.0 bullshit? ou utilisez-vous vraiment les services web 2.0 ?« , Benoit Dausse montre la surconsommation de services en ligne de nouvelle génération (web 2.0), et (se) demande qui utilise réellement ces services, de façon régulière et assidue.
J’avais laissé quelques idées en commentaires à son post, que je reproduis et complète ci-dessous.
Au travers de son post, Benoit soulève plusieurs questions: quelle est l’utilisation réelle de ces services? Quelle est la base d’utilisateurs actifs? Quelle peut être la monétisation de ces services grâce à ces utilisateurs actifs?
Utilisation réelle de ces services:
Comme l’a dit Benoit, il y a un phénomène d’hyperconsommation étrange: “vite, un nouveau service vient d’être mis en ligne, il faut absolument que j’ouvre un compte dessus et que je le teste!”. Résultat des courses: on crée son portefeuille de valeurs sur Google Finance avec son fidèle compte Gmail, on commence à uploader des photos dans Riya après avoir attendu fébrilement l’ouverture de la version beta, mais une semaine après, on est retourné gérer son portefeuille chez son broker en ligne traditionnel, et on continue d’uploader ses photos sur Flickr.
Base d’utilisateurs actifs:
Du coup, comment faire face à ces comportements d’extrême volatilité des utilisateurs, entre l’effet de mode et le “hit & run”? Il s’agit là d’un des problèmes les plus difficiles pour ces nouvelles entreprises: s’assurer que les nouveaux utilisateurs soient fidélisés, et qu’ils reviennent fréquemment utiliser leurs services. Car sans utilisateurs actifs, point de notoriété, de trafic, et donc aucune perspective de revenus.
Les comptes gratuits, les possibilités de personnalisation et d’importation de données personnelles, les nouveaux gadgets techniques, est-ce que tout cela permettra d’éviter que les utilisateurs s’échappent dès que le service 2.0 suivant sera “ouvert” (en beta, bien entendu) ?
A ce sujet, je vous encourage à lire cette étude de Nieslen//NetRatings publiée le 11 mai 2006, à propos des sites de réseaux sociaux (MySpace & Cie):
Social Networking Sites Grow 47 Percent, Year Over Year, Reaching 45 Percent of Web Users
« However, while these sites have seen explosive growth over the past 12 months, this is a fickle youth audience, and the masses that have rushed to these sites, could turn their attention elsewhere. The question that remains is ‘how strong are the social networks that consumers are building on these sites?' »
Monétisation de ces services:
On a donc des services qui sont très visités mais potentiellement très peu consommés, et dont les utilisateurs peuvent s’échapper vers la dernière nouveauté à tout instant. Dès lors, comment monétiser ces services? Comment les entreprises à l’origine de ces services peuvent-elles générer du chiffre d’affaire et faire gagner leur vie à leurs salariés / actionnaires?
En effet, ces services sont la plupart du temps issus d’entreprises “mono produit”, dont la survie dépend de l’utilisation continue du service par une basse d’utilisateurs croissante et fidèle, afin de croître, et de développer un modèle d’abonnement premium/payant… ce sur quoi j’ai de plus en plus de doutes. Le principal modèle économique de ces entreprises repose-t-il sur l’effet de démonstration / tour de force technologique, afin de valoriser la société et la revendre ensuite, charge au repreneur de trouver un modèle économique rentable pour le(s) service(s)?
Flickr est en ce sens un bon exemple, car je ne suis pas convaincu que la base d’abonnés “pro” (payants) suffise à dégager un bénéfice sur ce produit. Yahoo! a en partie acheté Flickr pour l’insérer à son portail et à ses différents services; exemple: possibilité de poster ses albums de voyage dans la chaîne Yahoo! Travel. Au delà de la valeur intrinsèque du produit, ce sont les possibilités de synergie avec les autres services Yahoo! qui ont permis à ce rachat de se concrétiser. Yahoo! accepte que le service Flickr provoque une augmentation de ses coûts, notamment en terme de stockage et de bande passante, car, dans une perspective globale, la valeur apportée aux autres services Yahoo! est suffisante pour développer les usages et la fidélisation.
De plus, Yahoo est une entreprise cotée, qui doit rendre des comptes et promettre de l’innovation et des perspectives de croissance: elle est en permanence à la recherche de possibilité de croissance, interne comme externe. Intégrer une société ou un service qui a le vent en poupe ne peut que faire du bien au cours de l’action (remember del.icio.us, ou Skype avalé par eBay); il ne reste plus qu’à espérer que le service puisse bien s’intégrer à l’écosystème de la maison mère (vrai pour Flickr et Yahoo, pas évident pour Skype et eBay).
Tout ça pour dire qu’à l’arrivée, peu de ces services survivront, et donc peu d’entreprises, faute de modèle économique rentable (si ce n’est la perspective de revente). Dans tous les cas, le succès dépendra de la capacité du produit/service à être innovant et à générer de la valeur perçue par ses utilisateurs, et non d’un sticker “beta web 2.0 – venez chez moi tout est gratuit c’est trop génial”.
Comme l’a bien dit Joël Ronez: seuil de saturation 2.0 atteint.